dimanche 30 juin 2013

Cougar Town

- C'est décidé : j'arrête les mecs qui sont nés après la chute du mur de Berlin.
- Et les mecs qui ont connu Giscard, t'en penses quoi ?




A côté de Mad et moi en terrasse, avant-hier, deux filles :
- Oh la la, ça y est, j'ai vingt-deux ans, tu te rends compte ?
- Non mais t'inquiète pas, tu les fais pas du tout !
On s'est regardées. On a souri. On a trinqué. On a sifflé notre champagne en riant.

Quelques jours avant, j'étais au mariage de mon oncle.
Au buffet, je me retrouve à côté d'un petit mec, environ vingt ans, mignon. 
Je lui souris, je me présente, je lui demande qui il est.
Il me fait son plus beau sourire, me regarde de ses beaux yeux bleus, et me dit qu'il s'appelle Gaëtan.
Et là je réalise : Gaëtan.
Le fils de ma cousine.
...
J'ai gardé Gaëtan quand il avait trois ans.

*****




Oui, ça marche un peu moins en version Lego, je vous l'accorde.

*****

Hier soir, grosse soirée sous les étoiles, sur les toits de Paris. (J'aime ma vie).
BB était avec son amant de vingt-trois ans. Un très beau garçon, absolument charmant.
Vingt-trois ans. Eh ouais.
MoMA, pour sa part, vit le grand amour avec un petit mannequin russe de vingt et un ans.
Pas con. Romantique. Drôle. Attentionné. 
Nath et Sissi sont avec des mecs de vingt-trois ans, elles aussi. 
Ils ont tous sept, dix ans de moins qu'elles. Mais ils les rendent heureuses.

Comment ça se fait ? 
Mes copines ne sont pas particulièrement des cougars, elles couchent quand-même généralement en premier lieu avec des mecs de leur âge.
Alors pourquoi se retrouvent-elles à vivre des histoires d'amour avec des mecs tellement plus jeunes qu'elles ? Comment se fait-il qu'elles se retrouvent à "construire" avec des mecs avec qui il est, justement, assez illusoire de vouloir construire quoi que ce soit ?
MoMA : C'est un peu tôt pour l'emmener chez mes parents. Je vais attendre qu'il ait 23 ans :)

Parce que les mecs de vingt ans n'ont, paradoxalement, pas peur de s'engager.
Parce qu'à vingt ans, s'engager n'engage à rien.
A trente ans, si tu te mets en couple avec une fille, tu sais ce que ça implique : que vous allez envisager un avenir à deux, pour de vrai, maintenant. Cette année, pas dans dix ans.
A vingt ans, tu fais des plans sur la comète, mais dans un futur lointain : si on est encore ensemble dans cinq ans, dans dix ans, alors peut-être bien que oui, qui sait, on verra.
(Gigi, je te vois crier d'ici : ok, non, ça ne marche pas avec tous les mecs de 23 ans. Je sais).

Je me souviens d'un mail que j'ai reçu il y a longtemps d'une fille de 23 ans, qui avait lu mon blog - blog qui lui rappelait "le journal intime qu'elle tenait quand elle était adolescente" (Ah oui ? Et ma main dans ta gueule, t'en dis quoi ?) : elle m'écrivait pour m'expliquer qu'elle avait pour sa part trouvé le grand amour, et qu'elle allait du coup m'expliquer pourquoi je m'y prenais mal et comment ça marchait, les garçons, le genre humain, tout ça.
(BB : "Mais pour qui elle se prend cette petite dinde ?!"). 
Ou comment les trentenaires célibataires sont infantilisées aussi par des enfants.

Petite dinde, donc : comment t'expliquer que moi aussi, à vingt-trois, je croyais avoir trouvé l'homme de ma vie pour toujours, avoir compris le monde et les garçons, avoir trouvé les réponses à mes questions et avoir laissé derrière moi les affres du célibat ?
A vingt-trois ans, j'étais avec Gentleman Joe. Je vivais et enseignais à Londres, il faisait une année d'études à Buenos Aires. Cet été là, on a passé trois mois à parcourir l'Argentine et la Bolivie, à boire du maté et à faire l'amour dans des cascades survolées par des condors. On était amoureux fous, on était jeunes, on étaient beaux, on avait toute la vie devant nous. On n'avait pas encore fini nos études mais on était sûrs qu'on les réussirait, on avait de grands projets, on avait un brillant avenir, on voyageait à travers le monde, on s'aimait, on ne s'engueulait jamais, et on avait des amis fantastiques, avec qui on faisait la fête, avec qui on partait en vacances, et j'aimais sa famille et il aimait la mienne : on était un couple indestructible et heureux, et on pensait que ça durerait toujours.
On n'avait pas encore connu d'échec professionnel, on n'avait pas encore traversé ensemble les épreuves du passage à l'âge adulte, avec ses revers, ses déboires, ses renoncements, ses regrets, ses angoisses. Ceux-là mêmes qui nous ont tués. On n'avait pas encore eu à faire de choix déchirants. On n'avait pas encore peur d'en faire de mauvais. Parce qu'on avait tout le temps.

Tous les trentenaires ou presque ont connu un ou deux de ces premiers amours qui se voulaient éternels. Ils ont été heureux. Puis - souvent - ils ont dû laisser tout ça derrière eux.

L'avantage des garçons de 20 ans, c'est qu'ils sont encore capables de s'emballer.


J'étais le premier grand amour de Gentleman Joe, et il était - plus ou moins - le mien.
Il n'y a rien de plus fort que ces amours-là. Quand tu découvres et expérimentes la vie de couple avec quelqu'un pour la première fois. Il n'y a eu personne avant ça, tu n'as pas vraiment d'élément de comparaison, et la personne avec qui tu le vis est la seule et l'unique, ton âme soeur, ton double, ton frère, ta soeur, ton/ta meilleur(e) ami(e), un peu tout à la fois. Tu n'imagines pas, à ce moment-là, qu'il y en aura des dizaines d'autres.

Bref, les mecs de vingt ans ont moins de mal à s'engager parce qu'ils ont une capacité à s'émerveiller, à s'emballer, à être amoureux, que les mecs de trente ans n'ont pas. N'ont plus.
A vingt ans, quand tu tombes amoureux, eh ben t'y vas.
(Parfois pour le pire, par ailleurs, c'est évident. On choisit mal, à cet âge-là - souvent).
A trente ans, t'y vas pas. Pas vraiment. Tu sais pas. T'hésites. Tu te tâtes.
(D'ailleurs, je sais pas si vous avez remarqué, mais les gens de vingt ans sont beaucoup plus souvent en couple que nous. D'ailleurs on était tous en couple à vingt ans. On a tout fait à l'envers). 

Les mecs seuls de trente ans, c'est compliqué. Ils sont paumés.
Ils ne savent pas trop où ils vont, ils ne savent pas trop ce qu'ils veulent.
Enfin à part niquer, s'entend.
Ils ont tous vécu une ou deux grandes histoires d'amour, des vraies, qui ont échoué - et avec elles, tous leurs projets de vie passés - et ils ne savent pas encore trop par quoi les remplacer.
Ils flippent. Ils papillonnent. Ils foirent. Ils rament. Ils sont blasés.
A trente ans passés, des filles t'en as eu des dizaines : pourquoi celle-là plutôt qu'une autre ? Et si c'était pas la bonne ? Et j'ai déjà morflé, est-ce que je suis prêt à recommencer ? Et suis-je prêt à renoncer à toutes les femmes pour celle-là ? Sérieusement ?
Et puis ils ont le temps. Beaucoup plus que nous. Nous on a un sentiment d'urgence.
S'engager auprès d'une trentenaire quand t'en as trente aussi, c'est terrifiant.
Il faut vraiment être amoureux. Et il ne tombent plus vraiment amoureux.
Ils ne veulent même plus vraiment essayer. C'est trop de boulot.
Ils sont d'un cynisme à pleurer.

MoMA : Les mecs de trente ans, ils sont en crise et ils font que de la merde. Je sais pas, c'est comme s'ils avaient un quota. Comme s'ils étaient pas capables de tomber amoureux plus de deux fois. Je comprends pas : moi je suis amoureuse tout le temps !




"My desert-island, all time, top five most memorable split-ups, in chronological order :
1) Alison Ashworth
2) Penny Hardwick
3) Jackie Allen
4) Charlie Nicholson
5) Sarah Kendrew.
These were the ones that really hurt. Can you see your name in that lot, Laura? I reckon you'd sneak into the top ten, but there's no place for you in the top five; those places are reserved for the kind of humiliations and heartbreaks that you're just not capable of delivering. That probably sounds crueller than it is meant to, and that's a good thing, not a bad thing, so don't take your failure to make the list personnally. Those days are gone, and good fucking riddance to them; unhappiness really meant something back then. Now it's just a drag, like a cold or having no money. If you really wanted to mess me up, you should have got to me earlier"
(High-Fidelity, Nick Hornby)

Et y a vraiment plus de magie après trente ans, alors ? Sérieusement ?
Bon et donc concrètement, du coup, on fait quoi ?
On sort avec des petits magiciens de vingt trois ans pendant encore longtemps ?
(Oui : le mec de BB est - vraiment - magicien. Je n'invente rien. Ca s'invente pas, ça).




mardi 25 juin 2013

Boobs and Brains, Brains and Boobs.



La prochaine fois que je vous dirai que j'arrête les hommes, ignorez-moi. (Vous êtes de grands naïfs). 
Gigi : Bayane, je pense qu'il est temps pour toi d'accepter que tu n'es pas une midinette, mais une nymphomane. 

Je vous le dis, lecteur : on ne peut pas être tranquille deux minutes dans ce bas monde. 
On ne peut plus tranquillement se vautrer dans une douce sérénité teintée de désenchantement sans que le destin ne vienne tout gâcher en vous jetant un homme dans les pattes to take you off balance. Pénible.
Bref, j'ai encore rencontré un garçon. (Ca commence à bien faire, vous ne trouvez pas ?).

Il est écrivain. Il écrit de la politique-fiction. Il est très intelligent et cultivé, ça m'intimide beaucoup.
Du coup je me dis que je vais devoir lui faire beaucoup l'amour (la dure vie de l'élite intellectuelle, ou de l'avantage d'être écrivain) pour faire diversion. Non parce que sinon, voyez-vous, je crains qu'il ne finisse par découvrir le pot aux roses, à savoir que je suis secrètement très très sotte. 
Comme il est très intelligent, cela dit, j'imagine qu'il va vite comprendre mon lamentable stratagème et l'utiliser contre moi, invoquant Spinoza dès qu'il a envie de moi - le petit malin.
(C'est mon petit côté Beetlejuice. Tu dis Spinoza trois fois et j'apparais en porte-jarretelles).

(En fait je soupçonne que c'est pour ça qu'Ariane te roule une pelle dès que tu dis un truc intelligent. C'est pas parce que ça l'excite. C'est juste une tentative désespérée pour mettre un terme à la conversation).

Bref, je nous entends d'ici :
Lui : Je suis en train de finir de rédiger mon article, là, et après je dois préparer ma conférence à Genève. Et demain je passe à la télé pour parler de mon dernier bouquin. Et toi ?
Moi : Euh... Je regarde Lost. Depuis ce matin. Hum. (Silence gêné)... Mais ce que je tiens surtout à ce que tu saches, mon amour, c'est qu'au moment où je te parle, sous mes vêtements, je suis nue. Complètement nue.




Il faut dire que mon quotidien ne baigne pas dans la culture. Après des années d'études passionnantes, enrichissantes, stimulantes, et plein d'autres trucs en -antes (je suis décidément faite pour sortir avec un écrivain), force est de constater que mon cerveau s'atrophie.
Mais j'aimerais vous y voir, aussi.


Les conseils de classe ont eu lieu il y a longtemps. La fin de l'année approche. La moitié de mes élèves ne viennent déjà plus. Du coup, on fait des jeux. (Enfin, ils font des jeux. Des jeux pédagogiques, oui madame, en anglais, tout seuls dans leur coin pendant que je ne fais rien...).
(Je suis un génie, en fait).  

L'autre jour, je leur ai montré des photos du monde anglophone : de Londres, Dublin, New-York, Los Angeles, Las Vegas, le Grand Canyon, Sidney, avec des petites histoires et des petites anecdotes à chaque image. Peu de photos les ont fait réagir, à part :
- Une photo de Times Square : "Ah, y a MacDo !!"
- Une photo de Beverly Hills : "Wah la Ferrari !!"
- Des photos de Los Angeles : "Han, je veux trop y aller !! C'est là qu'il habite, Justin Bieber".
- Des photos de Miami : "Ouais madame c'est bon, ça, on connaît, hein : on regarde Les Anges !!!" ; "Vous connaissez Les Anges madame ?" ; "Eh Mathis t'as été à Miami ?! Sérieux ? Et t'as vu Les Anges ?!".
(Mais j'aime mes élèves, hein. Ils me donnent des bonbons, on joue au pendu, bref on sent au quotidien que j'ai fait huit ans d'études supérieures). 
....
Pendant ce temps, Isidor et Eloi 1er faisaient passer les oraux d'Histoire de l'Art aux troisième, avant d'en sortir atterrés. 
- J'ai jamais vu ça. Ils savent même pas ce que c'est que la seconde guerre mondiale. Ils savent pas quand c'était. Même pas à quel siècle. Et ils savent pas qui étaient les nazis. Limite y en a un qui m'a dit que les nazis étaient morts dans les chambres à gaz. C'est au programme, putain !!
- Quand j'ai demandé à Kenza ce que ça voulait dire "avant JC", elle a tenté "avant Jean-Christophe ?"
Argh.



Alors oui, forcément, quand on sort de là, on a un peu l'impression d'être l'élite intellectuelle de la nation, sauf qu'ensuite il y a des gens comme XXX qui te donnent vaguement le sentiment d'être bête à manger du foin. (Spinoza c'est le nom d'un fromage italien, non ?) (Hum). (Je n'ai pas lu Spinoza).

C'est marrant comme dans ces moments-là, alors qu'on devrait se sentir beaux et forts, appréciés et désirés, on se sent souvent plus vulnérables et insecure que jamais. Les débuts d'histoire (qui souvent, restent des débuts, par ailleurs) ont le don de réveiller les insécurités de chacun. Je me souviens de Lady V disant "Il ne me rappelle pas parce que je viens d'une famille de prolo". Ca m'avait frappée. Comme, dans ces moments-là, nos complexes les plus profonds et les plus irrationnels refont surface. Tous les "c'est parce que je suis pas assez intelligente", "c'est parce que je suis pas assez jolie"... Mais en fait non. Non, ma chérie, s'il ne veut pas te revoir, ça n'est pas parce que tu avais de l'embonpoint en primaire et que tes parents t'ont offert le Bisounours Gros Gâteau au lieu de celui avec l'arc-en-ciel. Reprends-toi, que diable.



Il y a quelques années, j'étais dans un bar avec deux amies d'enfance : Emi (qui venait de sortir son cinquième album), et Molly (thésarde normalienne et diplômée de Science-Po).
Molly : Pfff, c'est horrible, en ce moment j'ai l'impression que mes cours sont nuls, que mes étudiants s'ennuient, je me sens bête.
Moi : Hein ? Ouh la la, mais où va le monde ? Molly qui se met à douter de son intelligence, c'est un peu comme si Emi se mettait à douter de son talent et moi de mon cul !
On a ri. 
Même si ça n'était finalement flatteur pour aucune d'entre nous. 
Mais on se connaît depuis qu'on a treize ans, et depuis toutes ces années, nos rôles sont bien définis. Molly est la bête à concours, Emi est l'artiste prodige, et moi je suis la jolie fille de la bande. Des attributs gravés dans le marbre qui nous ont sans aucun doute fait beaucoup de mal. Parce qu'ils sous-entendent qu'elles ne sont pas jolies (ce dont elles ont toujours été persuadées - surtout Molly), mais aussi que je suis la moins intelligente et la moins talentueuse des trois (ce qui correspond également à toutes mes insécurités).

XXX ne me trouve pas bête, cela dit. (Et pas uniquement parce que j'ai une chute de reins dotée d'une grande intelligence). (Je crois qu'il m'aime vraiment bien).
Moi : Je pense qu'il m'a bien cernée.
Mon frère : C'est bien d'avoir le sentiment d'être "cernée", comme tu dis. C'est suffisamment rare pour être noté.
Moi : Ben oui. Il m'a dit qu'il me trouvait "parfaite" : j'en déduis qu'il m'a bien cernée ! Huhu.
Mon frère : Ce garçon m'a l'air plein de bon sens !

De son côté, que sais-je de ses insécurités à lui ? Il dit qu'il me trouve parfaite, et il m'a demandé :
- Pourquoi t'es là ?
- Comment ça ?
- Fais pas semblant de pas comprendre. Pourquoi t'es là, ici, avec moi ?
- Euh... Parce que tu me plais ?
- Mais pourquoi ? 
- Euh... Je sais pas. Enfin ça ne se rationalise pas, ce genre de choses. 

Je pense qu'XXX, de son côté, ne doute pas de son intellect, mais n'a pas grandi en étant le plus joli de la bande... 
Mad : Peut-être qu'il n'y croit pas plus que toi, dis donc ! Vous m'avez l'air de deux chats échaudés par le torrent glacé des amours déçues (oh la la je suis en forme ce soir !!!)

Mais je n'ai pas confiance. Pas confiance du tout. Je m'attends bien sûr à un revirement kafkaïen dans les plus brefs délais. La logique voudrait qu'il disparaisse tout bonnement de la circulation dès demain, et ce sans aucune explication. Je m'y prépare de pied ferme. (Je ne le sais que trop bien : quel que soit le scénario, ça finit toujours pareil : the silence treatment).
(Cela dit, je vous arrête tout de suite : si jamais il ne me rappelle pas, ça ne sera pas parce que je ne suis pas assez cultivée, ni parce que je fredonne "La Patrouille des Eléphants" dans mon sommeil sans le savoir (Si ? Vous pensez que c'est ça ? Je le savais !), mais parce que finalement, en dépit de tous ses romans et de tous ses diplômes, eh bien c'est un con. (Si tous les mecs qui écrivaient des livres et/ou avaient fait de grandes études étaient intelligents, ça se saurait). Non mais).

Moi : J'ai une image assez déplorable des hommes.
Lui : Et probablement assez juste, du coup.
Ben ouais...

dimanche 9 juin 2013

Vers la douceur

Et puis merde, à la fin.



"Plaquée, Bulle se dit merde.
Merde devant la perspective de semaines dans le pâté, à pester contre un bourreau même pas répréhensible, à se forger contre lui une haine qui ne ferait qu'attiser un amour douloureusement persistant, à tourner dans son crâne migraineux des questions dont l'unique et limpide réponse avait pourtant été livrée par lui je ne t'aime plus j'en aime une autre au revoir désolé, et alors des semaines à maudire cette autre, à se maudire de la maudire, à l'appeler exclusivement pétasse, à se trouver pétasse soi-même de l'appeler telle, à ne pas décolérer, à ne pas décolérer de ne pas décolérer, à se trouver merdeuse d'échouer à ne pas l'être, à se repasser un film déjà monté et étalonné, à réécrire un traité pour une constitution amoureuse déjà gravée dans le marbre, des semaines de rumination en pure perte, des semaines pour rien, peut-être six, peut-être dix, peut-être même cinquante-deux, et pourquoi pas cent quatre, ruinée la santé mentale mettait un temps fou à se refaire, on était une épave durable, on n'était plus bonne à rien alors qu'on se rêvait bonne en tout et que pas mal de pain attendait sur pas mal de planches, des amis à honorer, des amies à honorer, des arrondissements méconnus à explorer, des rillettes du Mans à tartiner, des balades aux Buttes Chaumont, des Heineken, du sexe en levrette, des longueurs de piscine, des mariages d'Alain en mai prochain, autant de choses qu'on serait certes capable de faire, autant de choses qu'on ferait mais juste qu'on y serait pas, on aurait comme un for intérieur, une arrière-déprime, un chewing-gum collé aux parois de la bonne humeur, une carie dans la belle dentition de l'orgueil, cela raréfierait le sourire, ou alors en mettant une main devant comme au temps des appareils dentaires, on renouait avec le complexe de vivre, on pesait trois cents kilos, on était entièrement de trop, on était lestés de soi-même, on subissait tout, faire était plus improductif que ne pas faire, on finirait par rester chez soi en attendant que ça passe et ça ne passait pas merde.
Six semaines. Dix. Cinquante-deux. Cent quatre !
Ce n'était pas possible.
Bulle rêva d'être dans deux ans.
Elle entreprit de régler la date de son portable sur le 22 mars 2008, mais se ravisa aussitôt. Quelle connerie elle allait faire ! Se priver de deux ans de vie ! Deux Nouvel An chinois ! Deux Rolland-Garros ! La victoire de la gauche aux présidentielles ! Sept cent trente jours dont soixante-dix-sept au soleil. Cent pizzas dont la moitié aux anchoix !
L'énumération de ce qu'elle avait été tout près de perdre ramena son gigantesque dépit aux dimensions d'un kyste pas si dur à retirer. 
Elle le retira le lendemain et puis merde à la fin."

Vers la Douceur, François Bégaudeau.

samedi 8 juin 2013

Romeo and Juliet is not a love story

Ou comment j'ai cessé d'être une midinette. (Un peu). (Je crois).


Oh les mecs, regardez, une souris dans une chaussette !
(Cette année, je tiens mes promesses)

Aujourd'hui, dans la rue, j'ai croisé un petit garçon en trottinette. Il m'a dit "Bonjour !", très souriant.
J'ai répondu "Bonjour !" en continuant ma route.
Il s'est approché d'une petite fille.
- C'est qui ? lui a t-elle dit.
- C'est une maman.
J'ai souri.
Non, mon petit loup, je ne suis pas une maman.

Ces derniers jours, j'ai passé un temps fou avec des amies et leurs enfants.
Mardi, j'ai passé la journée avec Anna et son bébé. 
Avant hier, j'étais à la Villette avec Boucles d'Or et son petit garçon. Etendues sur l'herbe, on l'a aidé à trouver Tchoupi dans son petit livre (il était bien caché, le bougre), puis on a joué avec ses peluches et j'ai fait rouler sa petite voiture en bois sur ses petits bras dodus.
Aujourd'hui, on a joué à faire des dessins avec Lou, 4 ans.
Lou : Toi t'es une girafe !
Chloé, debout sur sa chaise : Oui, regarde Lou, je suis une girafe, je mange les feuilles (attrape une feuille de l'arbre avec ses lèvres) miam miam miam, c'est bon.
Chloé était une girafe, donc. Antoine, un chat. MoMa et Rémi étaient des chèvres (sans hésitation aucune), BB un guépard (quoi d'autre ?), et moi, sympa, j'ai hérité du rhinocéros.
(Merci, Lou, je le prends bien).

 Diantre ! Un dinosaure !

Ils sont adorables, tous ces petits loulous.
Et moi aussi, un jour, j'aimerais avoir un petit garçon ou une petite fille qui me demande comment ils font, les chinois, pour vivre la tête en bas. Mais je n'en suis pas là.
Un jour, je serai une maman. Une bonne maman. (Même si, soyons honnête, je piquerai ses jouets à mon enfant) (Adulte, je vous dis). Mais pas pour l'instant.
Et ça me va très bien.

 Ca manquait de phoques, aussi, non ?
(J'ai pas trouvé d'image de souris qui font de la course en sac)
(Apparemment, il n'en existe aucune)
(C'est parce qu'elles sont très discrètes)  

Dans ces moments-là, ce qui m'émeut le plus, ce sont les parents.
Ils me rappellent les miens.
Lou était adorable, mais c'est surtout Rémi que je regardais jouer avec lui.
Rien au monde n'est plus touchant qu'un jeune père ou une jeune maman.
Mais non, pour l'instant, je ne veux pas d'enfant.
Je ne veux même plus de mec.
Sincèrement.

A quoi ça rime de vouloir être en couple "en théorie" alors que je ne veux être avec personne ? 

Et ce n'est pas parce que j'ai envie de "profiter de mon célibat".
Je sais désormais que je peux coucher avec des mecs sans m'attacher. Je l'ai fait.
Mais ça ne m'intéresse pas. Je ne vois pas l'intérêt.
Je n'ai plus envie qu'on me touche. Pas si ça ne rime à rien. 

Pour reprendre l'expression d'Amélie, j'ai décidé de me mettre "en jachère". (Image glam' s'il en est).

BB : Il est super mignon, le petit claviériste, là bas. Et il te regarde. Tu veux pas y aller ?
Moi : Non.
BB : Pourquoi ? Il te plaît pas ?
Moi : Si bien sûr il est magnifique mais il le sait tellement, regarde-le. C'est un petit con.
BB : Mais on s'en fout, non ?
Moi : Ben non.
BB : Bon alors je peux y aller, moi ? Parce que moi, personnellement, que ça soit un petit con, je m'en fous. Contrairement au tien, mon cul n'a pas de cerveau. 
Moi : Alors vas-y, mon chat. Amuse toi.


Je suis fatiguée de cette ambiance de chasse permanente. De ces bars où les gens ont les yeux partout, où les gens se cherchent, s'approchent, paradent, à la recherche d'un amant ou d'une amante potentielle. De ces mecs qui baiseraient n'importe laquelle d'entre nous, pourvu qu'elle dise oui.
Je suis fatiguée de tous ces petits mecs qui bossent dans la musique ou le cinéma (quand est-ce que les mecs se sont tous mis à bosser dans la musique ou le cinéma ?), de tous ces petits ingénieurs du son, ces petits guitaristes, ces petits réalisateurs, tous ces petits beaux gosses de mes deux qui passent une partie de la soirée à sniffer dans les chiottes, puis font les coqs, font le paon, racontent leurs exploits, ramènent des nanas chez eux, et recommencent le lendemain.
Je suis fatiguée de ces trentenaires célibataires (ou pas) qui scrutent la foule dans les soirées comme s'ils faisaient leur marché. Dans les fêtes, dans les bars, dans les salles de concert. J'en ai marre. De ce sexe omniprésent. De cette drague à deux sous qui ne mène à rien, de ces échanges sans valeur avec des mecs que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam et qui n'ont rien à m'apporter. J'ai cessé de croire à la beauté éphémère de ces échanges alcoolisés.
Je suis fatiguée de ces tentatives d'histoire avortées qui ne veulent rien dire et qui ne laissent pas de trace. Je suis fatiguée de toute cette vacuité.
Le sexe est désacralisé, même pour moi. Alors je n'en veux pas.
Et à quoi ça rime, au juste, de chercher l'amour dans tout ça ?
A quoi ça rime de "chercher" l'amour tout court, d'ailleurs ?

J'ai tellement voulu y croire avec Viggo alors que je savais au fond de moi, depuis le début, que ça ne marcherait pas. Ca n'avait aucun sens. A quoi bon s'acharner ? D'autant plus que, soyons honnête, je suis redevenue tellement plus heureuse une fois qu'il m'a quittée.

 Oh les gars regardez des... Bon ok, j'arrête.
(Viggo n'était pas sensible à mon humour)
(Je comprends pas)

Aladdin (pas le Prince Aboubou, Gigi, hein) : Tu ne l'aimes pas. Tu crois que t'es amoureuse parce que t'as envie de l'être, mais tu ne l'es pas.
Phébus : Moi aussi, ma dernière copine, je croyais en être amoureux. J'avais tous les symptômes.
Moi : Alors si le résultat est le même, c'est quoi la différence ? Si tu ressens la même chose, qu'est-ce qui différencie l'amour de l'illusion ?
Phébus : L'illusion ne dure pas.
Il avait raison.

Je crois que j'ai enfin perdu cette capacité infinie que j'avais de sublimer. De cristalliser. De vivre dans le fantasme. De penser que le désir réciproque était une promesse, comme un coup de foudre : "Parce que c'était lui, parce que c'était moi". Il n'en est rien.


Aujourd'hui, je suis allée chez MoMA pour manger sous le cerisier, avec des amis, dans le jardin.
En chemin, je suis passée pas loin de chez Martin.
Martin. Qui a fait coulé tant de mon encre et dont je ne sais rien.
C'est étrange, toutes ces vies qui se croisent et qui ne se retournent pas.



Un jour, je m'arrêterai sur quelqu'un.
Mais je suis à peu près sûre que ça ne sera pas demain.
Et franchement, ça me convient. (Rimes pauvres. Je sais).
Parce que là, honnêtement, sans mec, je suis très bien.
Je n'ai envie de personne, et je vais très bien.

Fish are jumpin' and the cotton is high,
And there ain't nothing can harm me,
With my loved ones standing by.




Par contre, quand les poissons sautent, faut faire gaffe, ça fait des accidents :


Hahaha. Bon, ok. C'est nul. Pardon.

Sur ce, je vais préparer mes conseils de classe.
Parce que oui, c'est la fin de l'année. J'ai rempli mes bulletins, j'ai corrigé mes dernières copies.
Dans deux semaines, c'est les vacances. C'est l'été, bébé. 

samedi 1 juin 2013

Il n'y a pas de grande personne




"Vous êtes marrantes, toi et ta bande d'adulescentes".  (Alf, en rentrant, dans le métro, hier soir).

Le terme adulescence (contraction d’adulte et d'adolescence) (de l'anglais kidult), désigne le prolongement de l’adolescence en dépit de l’entrée dans l’âge adulte. « Ce sont les adultes qui tentent de s'identifier aux adolescents et non l'inverse ».

Moi et ma bande d'adulescentes, donc.
De qui parle t-il ? De moi, de Lady V, de Fleur, de BB. De mes cousins. De mes amis, de mes proches, qu'il a croisés mais qu'il ne connaît pas vraiment. 
Ce n'était pas un jugement de valeur, par ailleurs : Alf est lui-même un Tanguy notoire, qui, à 30 ans, commence tout juste à travailler, vit en coloc' en banlieue avec un pote avec qui il mange des pizzas et joue à la console, se fait payer ses fringues par sa grand-mère et rentre régulièrement dormir chez sa mère à Paris quand il y passe la soirée. 
 
Pourquoi "adulescente" ? Pourquoi moi plus que lui ?

Il m'a dit ça hier soir.
Le jour même, il avait fait un tableau pour me prouver que je représentais l'âge médian de la salle des profs. Il y a en effet 33 profs au collège : 16 d'entre eux sont plus vieux que moi, les 16 autres sont plus jeunes. Je suis pile au milieu, "entre deux âges".
(Quand je vous disais qu'on n'envoyait que des petits jeunes dans le 93, je ne vous mentais pas : la moitié des profs ont moins de 31,5 ans, c'est quand même pas bien vieux).
Pour arriver à cette conclusion, il a demandé leur âge à tous les profs : il s'est en effet avéré que beaucoup d'entre eux étaient plus jeunes que moi, même les jeunes mères de famille mariées-deux enfants avec quelques cheveux blancs, que je croyais être plus âgées.
(Pour achever de me contrarier, une petite sixième m'a demandé si j'avais un chat, question certes anodine mais qui m'a fait rire jaune : j'ai l'air d'une vieille fille à ce point ?!).

Fleur, Gigi, cette image est pour vous :)

Je suis en effet la plus vieille des plus jeunes - si cela a un sens.
Les profs de mon âge sont "installés", et je ne suis amie qu'avec les plus jeunes, dont l'âge tourne autour de 28 ans, et qui sont, d'ailleurs, eux aussi assez nombreux à vivre à deux.
Moi : T'es chiant, tu viens jamais boire des coups avec nous !
Isidor : La vie de couple !
Doit-on en conclure pour autant que je ne suis pas adulte ? Ou une moitié d'adulte, une semi-adulte, une pseudo-adulte, une adulte attardée ?
Est-ce que c'est parce que je ne suis pas en couple ?
Parce que je ne suis pas mère ?
Parce que je sors le soir ?
Parce que j'aime Toy Story ?

Alf est déjà venu chez moi. Il me connaît. 
Il sait que, chez moi, j'ai un Monsieur Patate, un Kiki, une vieille K7 de Mylène Farmer. Il sait que j'ai gardé tous les petits livres de mon enfance. Il sait que mes photos de profil Facebook sont parfois des images de Mimi Cracra ou de Caroline à la mer. Il sait que j'aime manger des Chocapic en pyjama en regardant des séries, que j'aime les soirées déguisées, les chouquettes, les Kinder. Il m'a aidée à construire des petits avions en plastique en salle des profs à Pâques. Il sait que j'aime jouer. Au Pictionary. Au Cluedo. Il sait que je voue un certain culte à l'enfance, à mon enfance surtout, et que je connais tous les Walt Disney par coeur. Il m'a observée, amusé, pousser des petits cris en regardant Ratatouille, avant de me souffler, attendri : "Bayane, tu es une enfant". 

C'est pour ça que je suis une adulescente ? Parce que j'ai la nostalgie de l'enfance, parce que j'ai encore des plaisirs enfantins ? Peut-être. Mais on est nombreux, alors. Très très nombreux.
Et mes tantes de 60 ans, qui, l'été, jouent avec nous au loup garou, et relisent, toujours et encore, avec la même délectation, leurs vieux Véronique en Pension, ce sont elles-aussi des enfants ?

Ou bien est-ce que c'est parce que je me cherche ?
Vous pensez que les jeunes mères de famille en couple, elles ne se cherchent pas ?
Vous pensez que mon père de 60 ans, sous prétexte qu'il a de grands enfants et qu'il est propriétaire de son appartement, il ne se cherche plus ? 

"J’ai eu conscience de devenir adulte lorsque j’ai compris qu’il n’existe pas d’adulte. Les enfants vivent dans le mythe d’un âge adulte. Petite, je pensais moi aussi que je deviendrais une grande personne. Et je croyais que j’accéderais ce jour-là à toutes sortes de révélations que les enfants ignorent. Mais vers 17-18 ans, j’ai commencé à découvrir que les adultes étaient aussi démunis que moi".
(Amélie Nothomb)

Mon père m'a toujours dit qu'il avait encore vingt ans dans sa tête. (Je l'ai cru volontiers) (Mon père - que j'aime de tout mon coeur - est en effet, à bien des égards, diablement immature). (Il me semble parfois que ce n'est que dernièrement, passé cinquante-cinq ans, qu'il a vraiment grandi).
"Qu'est ce qu'un adulte ? Un enfant gonflé d’âge" (Simone de Beauvoir)

Je ne crois plus au Père Noël (ou si peu). Je vote. Je paye mon loyer. Je paye mes impôts. Je me lève le matin pour aller travailler. Il m'arrive de me noyer dans un verre d'eau, oui, parce que les responsabilités de la vie adulte me semblent parfois bien lourdes et angoissantes, mais je fais face. Et je m'occupe de moi-même, et des miens, qui s'occupent de moi en retour. Je ne suis ni plus ni moins adulte qu'une autre. Je pense même être bien moins immature que beaucoup.
Il en va de même pour mes amies.

Alors quoi ? Pourquoi serions-nous des "adulescentes" ?
C'est parce qu'on est célibataires, qu'on vit dans des studios, qu'on sort encore comme quand on avait vingt ans et qu'on rêve encore à "quand on sera grandes" ?
"Quand je serai grande". Je me rappelle distinctement avoir entendu BB et Lady V me le dire.
Parce que, comme tout le monde, on a intégré que les grandes personnes avaient un appartement à leur nom, un conjoint, des enfants. Une vie installée.
Mais ces gens-là sont-ils pour autant plus adultes, plus mûrs ? 
Mon père a rencontré ma mère à 20 ans, ils ont eu deux enfants, et vous pensez vraiment qu'ils ont cessé de se chercher dès l'instant qu'on est nés ? Qu'ils ont, du jour au lendemain, cessé d'avoir des doutes, des névroses, des complexes, d'être parfois immatures, colériques, égoïstes, de se comporter comme des cons et d'avoir peur comme des gamins ?


(pour être honnête, j'ai toujours été beaucoup plus émue par les jeunes parents que par les bébés)
(c'est eux, les plus attendrissants)


Les gens en couple ne sont pas plus adultes. Simplement, ils ont réalisé leurs rêves - du moins en partie, vu qu'ils ont trouvé l'amour - et ont cessé de se sentir incomplets. C'est pour cette raison qu'ils ont le sentiment d'avoir "trouvé la réponse". Parce qu'ils sont enfin sereins. Et tant mieux pour eux. Mais ça ne fait pas d'eux des êtres supérieurs.
C'est le serpent qui se mord la queue : si on cherche l'amour, c'est pour retrouver la sécurité affective de notre enfance, cet état de dépendance rassurant, ce confort, cette sérénité. Se mettre en couple, c'est, à bien des égards, retourner se planquer dans les jupes de sa mère.
Je ne le sais que trop bien : j'en rêve.
Or, jour après jour, je me gère seule.
BB, Fleur, moi, Chris, et toutes les autres, on se gère seules.
On n'est pas des gamines attardées. On est des warriors.

Pourtant, cette image de l'"adulescente" me poursuit.
Comme si mon célibat était une preuve d'immaturité.
J'ai, dernièrement, cessé de voir la Comtesse, justement pour cette raison : je ne supportais plus qu'elle me parle comme à une adolescente attardée, avec cette bienveillance condescendante qui me donnait envie de la gifler. 
Sous prétexte qu'elle était en couple, elle me traitait comme si elle avait atteint l'âge adulte avant moi, franchi une étape que, petite Peter Pan aveuglée, je me refusais à, ou étais incapable de, franchir. Comme si elle avait grandi, mûri, compris plus vite que moi et qu'elle allait m'expliquer.
Cette commisération suffisante me rendait folle.

Quand j'ai rencontré Viggo, Chris s'est inquiétée : 
- Eh, tu vas pas devenir comme ces filles en couple qui s'imaginent qu'elles ont tout compris et donnent des leçons de vie aux célibataires, dis ?
- Jamais, lui ai-je répondu. Je te le promets. 
Parce que grands dieux, de ces filles là, j'en ai soupé.

"Ca y est. Elle s'attaque à mon rapport aux mecs : "Tu te souviens dans Pretty Woman, quand Vivian dit qu'on la surnommait l'aimant à minables"... Et elle m'applique son propre cas, en plus... Et elle me parle de mon père... Je me crispe. 
- Ecoute, Catherine, depuis que toi et tes semblables avez lu Freud, vous avez l'oeil torve et la vision faussée. (...) On se fait analyser, c'est le dernier must-have, on analyse les autres, c'est du dernier casse-couille".
(Hell, Lolita Pille).

De quel droit certaines filles en couple se posent elles en aînée, en "conseillère", en psy, comme si mon célibat prouvait que je faisais quelque chose de travers, comme si le fait qu'elles aient trouvé l'amour prouvait qu'elles avaient compris quelque chose qui m'échappe ?
Comme si elles avaient le moindre mérite.
Regardez autour de vous, les filles : si vous n'étiez pas avec votre mec, y en a t-il beaucoup d'autres que vous voudriez épouser ? Non. Eh bien moi c'est pareil.
Elles ont eu de la chance, c'est tout. Moi aussi j'ai eu de la chance : pendant six ans. Et puis ça s'est fini. Et j'en aurai à nouveau, de la chance, un jour. En attendant je rame un peu, oui. Mais ça ne fait pas de moi une adolescente attardée.

Entendu la semaine dernière : "Il est super, ce mec. Je comprends vraiment pas pourquoi il est seul".
Eh oui, on peut être très bien, beau, intelligent, fin, cultivé, drôle, désireux de trouver l'amour, et seul.
Parce que c'est difficile de trouver quelqu'un qui nous convient.
Et non, l'amour, le mariage, le couple et les enfants n'arrivent pas comme une rétribution, une récompense faite aux femmes intelligentes et sages qui ont suffisamment travaillé sur elles-mêmes pour le mériter. La preuve en image :



Merci donc, si jamais vous le faites, de cesser de parler aux célibataires comme à vos petits neveux.
Voilà.

Sur ce, j'y vais. Ce soir, je vais chez des potes jouer à Mario Kart en chaussettes et manger des fraises Tagada sur le canapé en regardant des conneries à la télé. (Hum). (Soirée maturité).