dimanche 31 mai 2015

Et joyeuse fête des mères !



L'autre jour, je suis tombée sur un article de Libération appelant au don de sperme et d'ovocytes pour venir en aide aux gens qui voudraient avoir des enfants mais ne le peuvent pas parce que 1) ils ne peuvent pas en avoir par des voies naturelles pour diverses raisons et 2) il y a une pénurie de sperme et d'ovocytes à leur disposition dans les congélateurs des hôpitaux français. 

J'ai évidemment immédiatement pensé à BB et Pollyana, qui veulent un enfant mais qui, malheureusement, ne peuvent pas en avoir sans l'aide d'un mâle, ce qui n'est pas une mince affaire. 
Elles veulent donc un donneur mais - et on les comprend - elles ne veulent pas d'un sperme complètement inconnu. L'idée d'être fécondée par un sperme à la provenance mystérieuse fait effectivement assez froid dans le dos.
Elles ont donc deux options : 1) acheter du sperme sur catalogue en Suède ou ailleurs (les mecs s'y décrivent en détails, voire publient des photos de leurs nombreux enfants pour montrer à quel point ils sont féconds et leurs enfants sont beaux), ou 2) trouver un donneur dans la vraie vie (sachant qu'elles veulent un mec qu'elles auraient approuvé au préalable mais qui serait prêt à donner son sperme tout en renonçant à tout droit sur l'enfant, ce qui est extrêmement compliqué).
(D'ailleurs j'en profite pour appeler à contribution : si vous êtes intéressés pour passer un entretien visant à savoir si oui ou non vous êtes digne de féconder la merveilleuse BB et de lui faire don de vos spermatozoïdes avant de disparaître de sa vie, alors merci de laisser vos coordonnées ^^).

Lady V à son mec : Et toi, au fait, tu veux pas leur donner ton sperme ?
Son mec :  Ben... non.
Lady V : Ah bon ? Mais pourquoi ?!
Son mec : Ben parce que mon sperme c'est une partie de moi, je peux pas le donner comme ça... Si elles ont un enfant avec mon sperme ce sera le mien, et je le saurai. C'est pas possible.
Lady V : Ah bon ? Ah tiens... T'es bizarre.

Lady V ne veut pas d'enfants. Lady V pense que les enfants, ça crie, ça chie, ça n'a jamais lu Spinoza ni Dostoïevski, bref ça n'a aucun intérêt. Ce qui explique qu'elle puisse ne pas forcément concevoir qu'on soit attaché à ses propres gamètes.
Moi, en revanche, je comprends évidemment fort bien Choupi (oui, le mec de Lady V s'appelle Choupi. Ce qui donne parfois des énoncés improbables, comme quand elle dit des trucs du genre "Choupi m'a niqué ma race hier soir, c'était bien !"). Ton sperme, c'est toi (enfin en plus petit, plus liquide, plus analphabète... bref). C'est tes gênes. Et de même qu'il est difficile de renoncer à ce que ton enfant ait tes propres gênes (comme quand tu adoptes ou quand ton conjoint du même sexe enfante avec le concours d'une tierce personne), il est difficile d'accepter qu'un enfant avec tes gênes ne soit pas à proprement parler le tien. Logique.

Mais revenons aux hommes et à leur sperme.
Les hommes ne voient en général aucun inconvénient à répandre leurs spermatozoïdes un peu partout, me direz-vous, mais ce n'est vrai que si leur partenaire prend la pilule et/ou s'ils portent une capote. (Ou s'ils ont très très envie de niquer et qu'ils se disent qu'elle prendra la pilule du lendemain). Ou s'ils sont seuls, naturellement. Ou avec un homme. Bref. En dehors de ces situations rassurantes, l'homme est d'ordinaire particulièrement soucieux de ne pas laisser traîner son sperme là où celui-ci risque de se reproduire.
Il m'est apparu il y a quelque temps que si certains mecs vidaient la capote dans le lavabo en faisant couler l'eau dedans - soi-disant pour vérifier qu'elle n'était pas percée - c'était en réalité souvent pour ne pas quitter un appartement où leur sperme serait à disposition dans une poubelle. Une réaction que je peux comprendre, même si j'étais sidérée la première fois que j'y ai pensé. En effet, je ne quitterais moi-même pas l'appartement d'un inconnu avec qui je viens juste de passer la nuit en laissant mes ovules sur la table du petit déjeuner. Mais les garçons pensent-ils sincèrement qu'on serait capable d'aller récupérer leur sperme dans la poubelle pour essayer de se l'injecter avec une pipette ? Non mais sérieusement ?


Un jour, avec le Capitaine, on parlait du fait que je voulais à priori des enfants quand lui savait catégoriquement qu'il n'en voulait pas (une source de conflit potentiel, vous en conviendrez). 
En pleine conversation, il m'a regardée d'un air inquiet, assez autoritaire, et il m'a dit : "Eh, pas de blague, hein ?!". Sous-entendu : Je déconne pas, poulette, je veux pas d'enfant, tu ne me fais pas de bébé dans le dos, on est bien d'accord ?!". 
Mon sang n'a fait qu'un tour :
"Hein ? Je te demande pardon ? Mais qu'est ce que t'es con !! Mais qu'est ce que tu peux être con !! Mais comment tu peux dire une chose pareille ?! Non mais ça va pas, non ?! C'est tellement, tellement insultant ! Tu crois que je suis pathétique à ce point, que je ferais une chose pareille, sincèrement ? Non mais je rêve !! Et puis merci bien mais j'en veux pas de ton sperme! Si je veux un môme je trouverai un mec pour m'en faire un, t'inquiète, j'ai pas besoin de toi !!". (Bref : ambiance).
(Autant dire que notre relation était un tantinet vouée à l'échec). 


Mais revenons à cet article que j'ai lu l'autre jour et dont j'ai retenu essentiellement cette phrase :
"Peuvent donner leurs ovocytes les femmes âgées de 18 à 37 ans, en bonne santé, ayant déjà eu au moins un enfant". (Merci, les mecs, et un bon week-end à vous aussi).
Je n'ai pas l'intention de donner mes ovocytes. Enfin je ne suis pas forcément contre en soi, même si l'idée est assez perturbante, mais je n'ai pas encore eu d'enfant donc la question ne se pose pas.
Je répète : Je n'ai pas encore eu d'enfant.

Je ne suis même pas complètement sûre d'en vouloir, cela dit.
Pas tout de suite, en tout cas. Je ne suis pas pressée.
Ca fait partie de ces choses qui méritent mûre réflexion.


Une chose est sûre, cependant : je veux avoir le choix.
Or, je vous le répète : "Peuvent donner leurs ovocytes les femmes âgées de 18 à 37 ans".
Après 37 ans, les ovocytes ne sont plus très performants.

37 ans.
Je vais en avoir 34.
Il me reste donc 3 ans.
Hommes, vous n'imaginez pas la pression qui pèse sur les femmes de mon âge. 


Tout autour de moi, on fait des enfants ou, quand on n'en fait pas encore, on fait des tests de fécondité et on congèle son sperme et ses ovules. Et on paye mois après mois pour qu'on ne les décongèle pas, un peu comme on paye un garde-meubles.
La question des enfants est sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes, dans toutes les chambres à coucher. On vit dans une peur sourde (d'en avoir, de ne pas en avoir) et dans un sentiment d'urgence.
...

Isidor m'a annoncé l'autre jour qu'il allait être papa. 

                                                  (Je lui ai dit que j'étais ravie pour lui).

Le même semaine, ma collègue d'anglais m'a annoncé qu'elle était enceinte.
Puis ma collègue de maths.
Puis la documentaliste.
(Quatre annonces de grossesse en dix jours).
(A croire que mes collègues ont fait une grande partouze de l'extrême).

Autour de moi, donc, on fait des enfants.

John Doe est papa.
BB et Pollyana cherchent un donneur.
Marilyn et son mec parlent d'emménager ensemble et, à terme, de faire des bébés.
Gigi et sonc mec jouent déjà à choisir les prénoms de leurs futurs enfants. 

Moi je vais avoir 34 ans et je viens de quitter Will. (Ca a été très très dur).

Pourquoi ? 
Parce que je pensais que ce n'était pas le bon et que, femme de bientôt 34 ans, je n'ai plus beaucoup de temps devant moi pour trouver le père de mes enfants. Pas de temps à perdre avec un mec si je ne suis pas complètement complètement sûre. Même un mec avec qui je suis bien, même un mec que j'aime énormément. Et même si ce dernier veut justement vieillir à mes côtés dans un appartement aussi rempli d'enfants que je le voudrai. (Chienne de vie).
Parce que j'ai la pression. Une pression innommable. Une pression que les hommes n'ont pas. 
Et ça, c'est profondément injuste. 

Hier, j'ai vu A Passage to India de David Lean, l'adaptation du bouquin de Forster. 
Dedans, il y avait ce passage où la jeune anglaise Miss Quested - qui est fiancée à un homme qu'elle n'aime pas vraiment - interroge le Doctor Aziz (un indien) sur son mariage avec une indienne désormais décédée qu'il a apparemment beaucoup aimée même si, comme il le dit lui-même, elle n'était ni très belle ni très cultivée :
Miss Quested : Did you love your wife when you married ?
Doctor Aziz : We never set eyes on each other until the day we were married. It was all arranged by our families. I only saw her face in a photograph.
Miss Quested : What about love ?
Doctor Aziz : We were a man and a woman. And we were young.

Quand j'étais à Bombay, j'ai acheté un livre intitulé India in Love qui explique que le mariage d'amour est de plus en plus courant en Inde, essentiellement dans les villes (qui s'occidentalisent) et que de plus en plus de jeunes refusent les mariages arrangés pour épouser quelqu'un qu'ils connaissent déjà et dont ils sont amoureux. Pendant longtemps, cependant, et dans la grande majorité des familles encore aujourd'hui, le conjoint est choisi par les parents, et ce sans le concours du ou de la principal(e) intéressé(e). 
Oublions un instant les mariages forcés de petites filles pré-pubères mariées à de vieux amis de la famille ou autres abominations et penchons nous sur les mariages entre jeunes adultes en âge de vouloir se marier et favorables à l'idée du mariage arrangé. En Inde comme dans tant d'autres pays, le mariage est vu comme une sorte de contrat entre deux personnes : les jeunes gens font généralement confiance à leur parents pour leur trouver quelqu'un de bien avec qui partager leur vie, et, une fois mariés, apprennent à se connaître et, d'une certaine façon, à s'aimer. Ils font rarement l'expérience de la passion, mais la passion ne fait pas partie de leurs aspirations. Ce qui doit être, à bien des égards, vachement reposant.

Gigi : C'est super dur, faudrait être une grosse chaudasse tout le temps pour maintenir la passion en vie, tout ça, mais bon, c'est pas facile de faire la grosse biatch en toutes circonstances, la transition est pas forcément évidente quand tu viens de passer la soirée dans les bras de ton mec à regarder Roger Rabbit en pyjama, tu vois ? 

Je ne dis pas que le mariage arrangé à l'indienne est un bon système, évidemment, et je suis parfaitement consciente de ce qu'il peut avoir d'horrible. Je dis simplement que ces gens n'ont pas comme nous la liberté - certes - mais aussi l'obligation (car il s'agit presque d'une obligation) de trouver l'amour avec un grand A. 
Ils ne sont pas soumis à la pression de l'épanouissement personnel qui fait que tout le monde occidental est sous anti-dépresseur. Cette pression qui dit que tu dois être épanouie dans ton métier et dans ta vie sexuelle et amoureuse. 
Cette pression qui dit que tu dois vivre un grand amour comme dans les films et avoir une famille heureuse et soudée comme dans les pubs de céréales mais que tu dois aussi avoir une vie riche et épanouie en dehors de ta famille et de ton/ta partenaire parce que sinon t'es une lavette. 
Cette pression qui dit que si tu n'as pas réalisé tous tes rêves alors tu as raté ta vie.

Or, moi je le suis (soumise à la dictature de l'épanouissement personnel).
J'ai grandi en France dans les années 80 et du coup je veux tout.
The whole package.
Comme on me l'a vendu dans les films et dans les pubs Kinder. 
Je veux l'homme idéal, le mec avec qui je serai heureuse en tout, qui me fera jouir trois fois par jour jusqu'à la fin des temps (même si, je vous l'accorde, les pubs Kinder n'insistent pas suffisamment sur ce point) et avec qui j'aurai des enfants aux dents blanches et au rire cristallin.
Je le veux et je n'ai plus que trois ans pour le trouver.

PRESSION.


















Je voudrais que mon horloge biologique ne détermine pas mes choix.
Je voudrais pouvoir me dire que j'ai le temps d'y penser.
Me concentrer sur le fait que je ne veux pas d'enfant dans l'immédiat, que de toute façon je n'ai personne avec qui en vouloir, et me dire que la question se posera quand elle se posera.
Je voudrais pouvoir sortir avec des mecs avec qui je sais que je n'aurai pas d'enfants sans me dire que je perds un temps précieux.
Je voudrais aussi pouvoir sortir avec des mecs sans qu'ils balisent dès la premier soir à l'idée que je vais vouloir des mômes.
Je voudrais que ça soit moins présent, je voudrais être plus libre, je voudrais pouvoir vivre ma vie sans y penser. 
Je voudrais pouvoir renoncer et me dire qu'ok, j'en aurai pas, pas grave. Ca me libèrerait.
Mais je ne peux pas.
 ...

***************

Bref, j'ai 33 ans 3/4 et je n'ai pas plus de mec.